Appel à articles | Volume 2, n° 1 | Nous contacter | Guide aux Auteurs |
Appel coordonné par : KAILOU DJIBO ABDOU & HASSANE MAHAMAT HEMCHI
La croissance exponentielle des agglomérations urbaines en Afrique a attiré l’attention des scientifiques, praticiens, décideurs, organisations non-gouvernementales et parties prenantes internationales. Les préoccupations ont beaucoup concerné les droits et l’accès aux services urbains de base dans les villes africaines qui ont été influencées par les différentes pratiques urbaines depuis les années 60 et 70. Pour trouver une solution, on a assisté à une planification urbaine rigide souvent ségrégationniste et déconnectée des réalités africaines dans les années 1980. En effet, les politiques, techniciens, experts et bailleurs de fonds travaillant sur la fabrique urbaine ont importé des solutions et des idées déjà établies, empruntées aux théories architecturales, urbaines et de planification, développées et parfois testées dans les pays occidentaux (Giuseppe et al., 2021). Dans certains cas, les plans directeurs des villes africaines ont été conçus par des experts étrangers aux contextes qui, le plus souvent n’associent pas les acteurs locaux (Coquery-Vidrovitch, 2006 ; Vénard 1986), collectent et traitent de manière sommaire les données locales. Cet état de fait n’a pas facilité le transfert de compétences au niveau local et a engendré un problème de gestion urbaine. Ainsi, malgré leur succès relatif, les expertises et les plans importés ont du mal à être un modèle réussi pour une fabrique urbaine durable en Afrique. Les raisons qui peuvent expliquer cela sont multiples. Les plus significatives sont la croissance démographique, l’urbanisation rapide, l’informalité généralisée et la précarité urbaine (Chénal, 2009).
L’accroissement des villes, tant au plan spatial que démographique s’observe en Afrique avec comme conséquence immédiate des problèmes liés à l’insuffisance ou absence des services urbains et infrastructures pour répondre aux besoins primaires des populations. Après les indépendances en 1960, l’Afrique est rentrée dans une phase d’urbanisation galopante, en 1970 avec l’émergence de plus de 3000 agglomérations dont la plupart totalisent en moyenne entre 250 000 à 500 000 habitants. Pour encadrer ce développement urbain, les politiques de l’habitat étaient beaucoup plus centrées sur le logement social selon le modèle des États-providence destiné en primauté aux fonctionnaires. Cette option, exclut de facto les populations à faibles revenus qui constituent l’écrasante majorité des citoyens. Une situation qui a eu pour conséquence dans la prolifération de l’habitats précaires, de quartiers populaires, des enclaves résidentielles ségrégués, des centres « gentrifiés » (Chénal, 2009). Cela a favorisé l’étalement urbain tentaculaire que connait les villes africaines. Ainsi, la morphologie de la ville africaine se démarque par un éclatement spatial et des conglomérats avec des limites difficilement identifiables. Ces villes consomment beaucoup d’espace avec un surcoût évident en aménagement des voiries et réseaux divers.
Par ailleurs, la ville africaine se distingue des autres par son informalité généralisée. En effet les activités informelles représenteraient, selon les villes, entre 60 à 90 % de l’emploi urbain et de 30 à 50 % de la création de richesses (Elong Mbassi 1999). Hormis l’emploi, d’autres secteurs sont aussi concernés par l’absence de règles officielles et de reconnaissance légale. L’informalité concerne aussi l’acquisition foncière que la construction qui s’effectue hors de toute norme d’ingénierie. L’autorité n’a plus la main mise sur les questions de l’organisation spatiale puisque les individus s’y installent de manière totalement aléatoire et sporadique par insuffisance de planification rigoureuse préétablie (Boniface 2012).
Enfin le problème financier des Etats est une donnée de taille à prendre en compte pour expliquer l’écart entre les plans des villes et les réalisations. En effet, consécutivement à la crise économique des années 1980, les États ont été obligés d’adopter des politiques d’austérité qui ont impacté sur le financement de la planification urbaine. Cela a eu un impact sur tous les secteurs en milieu urbain (équipement, infrastructure, mobilité, transport, eau potable, électricité, etc.). En outre, les États sont contraints de reconnaitre la composante de la population citadine vivant dans des zones informelles par la communauté internationale dans les années 1980. Devant la rareté des ressources financières et l’urgence d’intégrer les populations précaires à la ville, plusieurs villes avaient initié des vastes programmes d’urbanisme opérationnel pour faire une mise à jour (Upgrading) soit par des projets de restructuration, de réhabilitation, de déguerpissement, d’expropriation ou tout simplement par un renouvèlement urbain.
Eu égard aux problèmes auxquels se heurte la planification urbaine en Afrique, il est évident que les défis actuels pour atteindre les objectifs du développement durable (ODD) et les aspirations du Nouvel Agenda de l’Urbanisation 2063 de l’Union Africaine sont énormes.
Ce numéro (Vol 2 n°1) d’appel à article thématique vise à dresser un état des lieux des réflexions actuelles sur la planification urbaine et l’orientation de l’urbanisation vers le développement urbain durable, tout en prenant en compte l’économie, la réduction de la pauvreté, l’habitat, le transport et la préservation de l’environnement.
Le présent appel s’adresse aussi bien aux scientifiques toutes disciplines confondues qu’aux professionnels travaillant sur les métiers de la ville en général et de la ville durable en particulier.
Nous accueillons les articles portant sur des pratiques urbanistiques, des conceptions architecturales ou des visions urbaines, des expériences de planification globales, des structures de gouvernance ou des activités liées au développement urbain durable en Afrique. Des réflexions sur les stratégies alternatives pour réussir une urbanisation durable sont vivement attendues. Ainsi, nous encourageons les contributions qui développent des approches basées sur un regard local pour relever les défis émergents des villes africaines comme, l’étalement urbain, l’informalité, la précarité des citadins, le foncier, les services urbains essentiels, la construction à l’échelle avec des matériaux bio-sourcés.
Sans être exhaustif, les axes d’intérêt spécifiques pour ce numéro s’inscrivent dans les bases de la planification urbaine, le phénomène d’urbanisation, les services urbains essentiels, les constructions durables et la résilience urbaine.
Selon plusieurs sources (Banque Mondiale, 2017, Abdourahaman, 2018, etc.), la population africaine représenterait le quart de la population mondiale en 2050. Comment relever ce défi pour une urbanisation durable ? Quels nouveaux outils d’urbanisme pour afin d’atténuer les effets de l’étalement ? Comment préparer les territoires face au changement climatique et de favoriser la création d’emplois à travers des modèles durables ?
Selon l’organisation internationale du travail, 66% des actifs travaillent dans des secteurs informels (OIT, 2013). En ce sens, les mécanismes formels de production de la fabrique urbaine ouvrent une réflexion sur des solutions alternatives pour le développement des services et des villes. Les approches participatives, les projets de conception « low cost » et parfois à l’appel à l’expertise étrangère se sont répandus. De quelle manière la ville informelle et non planifiée impacte-t-elle, les activités de planification urbaine ? Quelles opérations et initiatives ont réussi à sécuriser et promouvoir l’insertion des populations à revenus faibles dans le secteur urbain ?
L’analyse de la gestion foncière dans plusieurs villes comme Niamey (Motcho, 2004), Ouagadougou (Boyer, 2010), N’Djamena (MAHAMAT HEMCHI, 2015), etc. a montré le rôle actif dans le phénomène d’étalement urbain de plusieurs intervenants notamment les communes, autorités coutumières, notaires, intermédiaires, spéculateurs… avec des logiques souvent contraires. En théorie, ces acteurs doivent permettre un accès inclusif et sécurisant au foncier. Cependant, ces interventions ont manqué de rationalité pour l’essentiel. Ce qui a contribué à étaler certaines villes et à développer un réseau d’affairisme. Quels sont les acteurs intervenants dans la gestion foncière ? Les synergies d’action sont-elles permis d’assurer une gestion optimale du foncier urbain ? Quels impacts sur les terres agricoles ?
En Afrique, l’urbanisation rapide n’est pas toujours soutenue par un développement économique afin de fournir les services urbains essentiels. La situation est beaucoup plus préoccupante pour les services en réseau (eau, drainage, électricité). En outre l’accès aux équipements, au logement abordable et décent reste problématique en dépit des engagements nationaux et internationaux. Quelles stratégies ou options alternatives ont été développées pour fournir aux populations des infrastructures, suprastructures et services urbains durables ? quelles typologies de logements pour bâtir des villes durables ancrées dans l’identité locale et utilisant les matériaux bio-sourcés tels que le bois, la terre, le typha, le granit etc. ?
Modalités de soumission
Les propositions d’articles doivent être au format Word, sous forme de textes dont la longueur est comprise entre 10 et 15 pages. Toutefois, les articles scientifiques présentés doivent respecter le guide d’instruction aux auteurs de la revue (cf. www.eamau.org) et le plan de rédaction suivant : le cadre théorique, la méthodologie, les résultats et la discussion.
Elles seront adressées aux coordinateurs de ce numéro ainsi qu’au secrétariat de la revue HVD-EAMAU aux adresses suivantes : revue.hvd.eamau@gmail.com et kailoudjibo@gmail.com
Calendrier
Date de lancement de l’appel à articles : 15 Août 2024.
Date limite de réception des propositions des articles complets : 15 novembre 2024.
Notifications aux auteurs : 30 novembre 2024
Réception des articles définitifs : 15 décembre 2024.
Parution prévue : début janvier 2025.
Bibliographie
– Abdourahamane M. S (2018). L’urbanisation de l’Afrique : davantage de bidonvilles ou des villes intelligentes. Population et Avenir. 14-16.
– Banque Mondiale (2017). Rapport sur l’urbanisation en Afrique. https :www.banquemondiale.org.
– Boniface, D. (2012). Les villes africaines et le défi de la planification urbaine.
– Boyer, F. (2010). Croissance urbaine, statut migratoire et choix résidentiels des ouagalais. Vers une insertion urbaine ségrégée ? Revue Tiers Monde 2010/1 (n ° 201), 18.
– Chenal, J. (2009). Urbanisation, planification urbaine et modèles de ville en Afrique de l’Ouest : jeux et enjeux de l’espace public. Lausanne : ENAC, École Polytechnique Fédérale de Lausanne.
– Coquery-Vidrovitch, C. (2006). De la ville en Afrique noire. Annales Histoire, Sciences Sociales 2006/5 (61e année), 1087-1119.
– Elong Mbassi, J. P. (2018, 11 27). L’urbanisation des villes africaines, un impératif ! Consulté le 04 30, 2019, sur http://senterritoires.com/jean-pierre-elong-mbassi-lurbanisation-des-villes-africaines-un-imperatif/
– Giuseppe, F. Axel, F et Luisa, M. (2021). African Cities Through Local Eyes. The Urban Book Series ISBN 978-3-030-84905-4. https://doi.org/10.1007/978-3-030-84906-1
– MAHAMAT HEMCHI Hassane, 2015, Mobilités urbaines et planification : le cas de N’Djaména, Thèse de doctorat en Aménagement de l’espace et Urbanisme, Université Bordeaux-Montaigne, Pessac, 474p.
– Motcho, K. H. (2004). La réforme communale de la communauté urbaine de Niamey (Niger). Revue de géographie alpine, tome 92, n° 1, 2004. De part et d’autre du Sahara, 111-124.
– Organisation internationale du travail (2013). Mesurer l’informalité : manuel statistique sur le secteur informel et l’emploi informel. p. 384
La rédaction de l’article devra respecter les normes de la revue. Merci de consulter en ligne à cette fin.
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